Paris-Concours

Hier, j'ai acheté du produit pour les chiottes. Ça s'appelle « Bref WC duo-gel », ça se présente sous la forme de deux bidons solidaires, et ça promet de rembourser le client si celui-ci n'est pas entièrement satisfait.

Comme il se trouve que j'ai arrêté de fumer, je ne vous cache pas qu'il m'arrive d'avoir des réactions de plus en plus bizarres, ces temps-ci.

Par exemple, j'ai décidé de me faire effectivement rembourser mon produit à chiottes. Pas pour la somme mirifique de 1,67 euros que je vais recevoir sur mon compte bancaire d'ici 4 semaines, mais pour me venger de ces sociétés de merde qui croient nous faire prendre des vessies pour des lanternes, et des plans marketing pour de bonnes idées.

Trois quarts d'heure. Ça m'a pris trois quarts d'heure, pour, je vous le rappelle, 1,67 euros. Ce qui ramène le SMIC horaire à 2,24 euros : à mon avis ces gens-là cotisent au MEDEF en riant.

Parce que constituer un dossier de remboursement de 1,67 euros, c'est presque plus compliqué que de répondre à un appel d'offre de marché public. Il faut :

1 - Commencer par récupérer un papier libre. J'en ai trouvé un, au fond de mes tiroirs, qui braillait « je ne suis pas un numéro, je suis un papier libre », alors je l'ai kidnappé, bien fait pour sa sale race.

2 - Inscrire lisiblement ses nom, prénom et adresse. Vous je sais pas, mais le « lisiblement » en italiques, je l'ai trouvé menaçant, alors j'ai fait tout ça en caractères bâtons, comme au CP, en tirant la langue.

3 - Rédiger une courte notice expliquant pourquoi j'étais mécontent du produit. Là, facile, j'ai écrit « votre produit exhale une odeur âcre qui agresse mon système respiratoire d'ancien fumeur pénitent, et ne correspond absolument pas au niveau de confort olfactif qu'on est légitimement en droit de trouver dans les lieux d'aisance ». Ah oui, j'ai un peu tendance à dire à tout le monde que j'ai arrêté de fumer, ces temps-ci. J'ai pas intérêt à reprendre une cigarette, sinon, va y avoir du monde pour me jeter des pierres, même chez « Bref-WC-duo-gel ».

4 - détacher sans le déchirer le « sticker » promotionnel de la bouteille et le coller proprement sur le papier qui commençait à n'être vraiment plus libre.

5 - Agrafer le ticket de caisse original, et entourer la ligne prouvant l'achat du produit à chiottes sus-cité.

6 - Aller sur internet, récupérer en ligne un relevé de compte bancaire, l'imprimer, le découper, le joindre au bordel sans nom qui s'étalait sur la feuille.

7 - Trouver une enveloppe et un timbre à 0,50 €. Ah non, merde, 0,75 € : le bordel empilé-agrafé-collé pèse juste un peu plus de 20 grammes.

8 - Prendre une loupe pour lire la mention minuscule qui précise que mes frais d'envoi ne seraient pas remboursés.

9 - Faire un rapide calcul mental pour constater que 1,67 - 0,75 = 0,92 € de marge brute seulement, soit quand même la somme mirifique de SIX BALLES !

10 - Poster le tout dans les soixante-douze heures suivant l'achat.

Eh bin je l'ai fait ! Et, aujourd'hui, je me demande s'ils en ont reçu beaucoup, de demandes de remboursements, à Paris-Concours. Parce que si c'est le cas, ça veut dire qu'il y a quand même un sacré paquet de névrosés globaux qui ont arrêté de fumer en France ces dernières semaines.